
Chapitre 3 : L’Éveil des Lumières Endormies
Chapitre 3 : La Salle des Peurs et l’Éveil des Étoiles
La cage de lumière où flottait la Cloche des Étoiles semblait si proche maintenant. Les reflets s’entrechoquaient doucement sur la coque, peignant sur les visages fatigués de Noa, Mya et Nara un mélange d’espoir et de crainte. Juste devant eux, le Cochon, aussi imposant qu’étrangement majestueux, affichait une expression énigmatique, entre défi malicieux et gravité inattendue.
« Encore un pas, petits rêveurs, et la Cloche est à vous… si seulement vous réussissez ma dernière épreuve ! »
À ces mots, le sol vibra. Les murs du Cargo Perdu s’étirèrent, se torsadèrent, et la lumière se brouilla : le trio fut, soudain, séparé, chaque membre propulsé dans sa propre illusion, aussi réaliste qu’angoissante.
Noa, d’abord, sentit le froid le traverser. Sa carte, jadis brillante d’audace, se mit à se dissoudre doucement, l’encre coulant goutte à goutte comme si chaque rêve qu’il avait jamais tracé mourait sous ses yeux. Autour de lui, un immense vide gris, où flottait à peine un souvenir de port, de lanternes et de chaleur. Au loin, des voix moqueuses, des rires étouffés, le poursuivaient comme si ses cartes n’avaient jamais compté.
Mya, elle, se retrouva cernée par le silence : ses fioles précieuses, aux couleurs folles, explosaient une à une dans une cacophonie de verre et de vapeur. Chacune éclaboussait le vide de sa lumière mourante. Elle se jeta en avant pour sauver ses concoctions préférées, mais elles s’effaçaient toutes, la laissant impuissante. « Tout ce que tu inventes finit par disparaître, » susurrait une voix glaciale.
Nara, quant à lui, flottait sur une mer infinie. Pas un seul quai, pas la moindre lanterne ou voix amie à l’horizon. Son petit esquif tanguait follement sur les flots sombres, et il sentit, pour la première fois, le poids terrible de la solitude : et si plus personne ne se souvenait jamais de lui, ni de ses aventures, ni de son nom ?
La peur leur serra la gorge, glaciale, paralysante. Mais, dans ce gouffre, les étincelles de ce qu’ils avaient vécu ensemble commencèrent à briller…
Noa, la main tremblante, tenta de se souvenir : Nara le taquinant gentiment, Mya riant de ses propres échecs, la brume dorée qui dansait sur leurs doigts. Ce n’était pas la carte qui faisait l’aventurier… En fermant les yeux, il imagina ses amis face à leur peur. Et alors, d’une voix étonnamment assurée, il appela, sans voir ni savoir s’il serait entendu :
« Vous n’êtes pas seuls, je suis là ! Même sans carte, je vous retrouverai ! »
De l’autre côté des illusions, Mya tomba à genoux, désespérée de voir partir la dernière fiole. Mais au lieu de la tristesse, elle ressentit soudain une chaleur, un souvenir : le festival des lanternes où, enfant, elle avait raté son premier mélange… mais où la nuit avait brillé, justement parce que tout le monde avait ri de bon cœur. Elle se releva, déterminée :
« C’est en essayant qu’on invente vraiment – même si tout explose ! »
Elle se mit à ramasser les éclats imaginaires, les pressant entre ses mains, et d’un souffle d’audace, créa une étincelle qui illumina son espace d’un arc-en-ciel irréel.
Sur la mer sans fin, Nara sentit un vent léger caresser sa joue. Il rêva tout haut :
« Si je peux inventer une aventure, je peux aussi inventer un retour… »
Saisissant la barre de son esquif, il fit appel à tout ce qu’il avait dans le cœur – la nostalgie d’un port, le rire des amis, le courage qu’ils lui avaient donné. Aussitôt, des vents imaginaires surgissent, gonflant sa voile déchirée, et l’embarcation fendit la brume épaisse avec une détermination nouvelle, chaque vague résonnant du nom des amis qu’il chérissait.
Les peurs commencèrent à vaciller. Les frontières de leurs prisons s’effritèrent sous la force de leur courage et de l’amitié tissée au fil de l’aventure.
Au centre de la salle – ou du rêve, qui saurait dire ? –, la voix de Noa, un peu plus assurée cette fois, s’éleva :
« Si la Cloche n’est qu’un rêve, alors je peux la dessiner, là, devant nous, rien qu’avec l’espoir ! »
Il leva la main, traça dans l’air vide les contours de la Cloche, chaque geste nourri par le souvenir de Nara, la confiance de Mya, et la sienne propre qui s’était révélée sur le chemin. Le dessin de lumière grandit, s’enrichit des couleurs de la potion de Mya, des éclairs d’aventure de Nara, et peu à peu, ce n’est plus simplement une image : c’est une Cloche scintillante, réelle, vrombissante, qui apparaît au cœur de la salle.
Les murs d’illusion s’écroulèrent soudain, la mer de Nara disparut, les fioles de Mya se recomposèrent, la carte de Noa redevint éclatante de possibilités. Les trois amis se retrouvèrent, haletants, au centre de la salle ronde, la Cloche suspendue tout près d’eux… et face à eux, le Cochon, assis, battant paresseusement de la patte.
Mais ce n’était plus le Cochon terrifiant qu’ils avaient affronté : il avait l’air fatigué… presque admiratif. Dans ses yeux brillait une lueur d’émotion, vite camouflée par son habituel air fripon.
« Eh bien… il faut croire que les petites étoiles ont encore du courage ! » déclara-t-il, la voix vibrante.
Mya s’avança, étonnée :
« Tu… tu voulais qu’on échoue ? »
Le Cochon eut un sourire triste :
« Je voulais savoir si la magie de l’imagination vivait encore ici. La Cloche n’a qu’un sens entre des mains capables de voir plus loin que la peur… »
Nara, le torse bombé malgré la fatigue, défia le Cochon du regard :
« Alors, tu rends la Cloche ? »
D’un coup de sabot, le Cochon fit tinter la Cloche. Un immense carillon résonna, comme une symphonie d’aurores boréales, traversant tout le Dock. Le ciel artificiel s’illumina, déchirant la brume, rallumant les lanternes, redonnant vigueur aux habitants de Luminis qui, un à un, sortirent de leur torpeur.
Le Cochon s’effaça dans un éclat de rire :
« Gardez vos rêves bien ouverts… un jour, ils pourraient sauver le monde. » Et, dans un dernier clin d’œil, il se dissout dans un nuage de confettis roses.
Les trois amis se regardèrent, incrédules, puis se jetèrent dans les bras les uns des autres. La Cloche, suspendue dans l’air, attendait. Noa, d’une main désormais sûre, l’accrocha au sommet du mât du port, sous les acclamations des habitants désormais réveillés.
Au fil des jours, la lumière ne quitta plus Luminis. Noa, transformé, osa exposer ses cartes ouvertes à tous, dessinant de nouveaux mondes à explorer, chaque trait bouillonnant d’inspiration née du voyage. Mya, devenue l’alchimiste la plus recherchée du Dock, inventait des étincelles pour guider les vaisseaux perdus. Nara, guide intrépide, ne trouva jamais deux aventures semblables, mais toujours de nouveaux amis sur qui compter.
Et la Cloche des Étoiles, à chaque crépuscule, résonnait, porteur d’une promesse : tant qu’il restera de l’imagination, le courage et la lumière ne s’éteindront jamais entre les étoiles.