Histoires pour enfants

L’Œil Secret du Labyrinthe

Histoires pour enfants

Louis, détective déterminé et méthodique, se réveille un matin dans un labyrinthe immense où chaque couloir semble doté d’une volonté propre. Avec l’aide d’un chat sarcastique et d'un ancien maître d’échecs à la mémoire vacillante, il devra élucider une série d’énigmes menaçantes, déjouer les pièges du Gardien des reliques et, surtout, retrouver la légendaire bibliothèque cachée dont les livres pourraient révéler la vérité sur ce lieu mouvant… et sur Louis lui-même.
L’Œil Secret du Labyrinthe

Chapitre 4 : La Bibliothèque Cachée et le Dernier Piège

Chapitre 4 : Le Livre qui N’existait Pas Encore

Quand Louis posa le pied sur la première marche de l’escalier en colimaçon, il sentit sous ses doigts la gravure qui vibrait encore de leur victoire récente. Autour de lui, le chat sauta légèrement pour éviter qu’une ombre d’oubli ne s’attarde sur sa queue, et le Maître d’échecs avançait d’un pas plus assuré, la tête droite, les yeux brillants d’un éclat de défi retrouvé.

L’escalier gravit leur fatigue pour la transformer en espoir. À mesure qu’ils s’élevaient, le silence s’épaissit, chargé d’une attente électrique. Puis, soudain, la dernière volute trouva son terme. Une porte sans poignée, aussi légère qu’un souffle, pivota devant eux…

...Et la lumière leur sauta au visage.

Ils étaient au cœur de la bibliothèque cachée du Labyrinthe.

La pièce semblait n’être qu’une illusion d’infini : colossale, rayonnages en espaliers dorés, plafonds si hauts qu’ils se perdaient dans un firmament de vitraux mobiles. Sur chaque étagère, des milliers de livres, parfois ouverts, parfois fermés, mais tous animés d’une étrange vie : les titres changeaient, tremblaient, clignotaient, tantôt énigmatiques, tantôt familiers. Ici, “Le Grimoire des Chemins Non Tracés”, là, “Chronique d’une Rêverie Inachevée”… Ou plus loin encore, des tranches sur lesquelles de simples points d’interrogation brillaient.

Dans les allées, la brume du labyrinthe achevait de disparaître, remplacée par une clarté vacillante venue d’on ne savait où, donnant aux lettres des reflets d’arc-en-ciel. Un bruissement d’ailes silencieuses — les pages, en tournant, secretaient le murmure d’un monde en train d’écrire sa propre histoire.

Mais à ce spectacle grandiose manquait quelque chose. Au centre de la pièce, là où devait trôner l’ouvrage le plus précieux, un lutrin d’or restait nu. Louis frissonna : cette absence avait le poids d’un vide absolu.

— Rien ne sert de lire mille livres, si le plus important manque, constata le Maître d’échecs à voix basse.

Le chat tourna en rond, yeux mi-clos, plus anxieux qu’il ne voulait bien l’avouer. Sous sa patte, Louis crut deviner un discret frémissement, mais n’en dit rien.

Tout à coup, comme arraché à la respiration même de la bibliothèque, le Gardien des reliques réapparut, sa longue silhouette s’allongeant jusqu’à toucher les voûtes. Il n’avait plus l’aspect d’un simple échevin masqué — ses traits semblaient incarner tous les âges vécus par les livres : parchemin ridé, encre fraîche, cuir tanné et reflets métalliques. Sa voix, cependant, n’avait rien perdu de sa solennité inquiétante.

— Voilà la fin — ou le commencement — de votre quête. Le livre essentiel n’a jamais appartenu à aucun catalogue, à aucune mémoire, dit-il en désignant le lutrin vide. Sachez que rien n’est donné gratuitement ici : pour obtenir ce qui n’existe pas encore, il faudra résoudre la dernière énigme du Labyrinthe.

Il esquissa un geste ample, et la lumière se concentra sur eux, comme si la question elle-même était tissée dans l’air :

— Dites-moi : Qu’est-ce qui relie chaque secret, chaque échec, chaque histoire perdue en ce lieu ? Répondez vrai, ou la bibliothèque redeviendra brume.

Un silence lourd carillonna autour du trio. Le chat se mit à faire sa toilette avec une application ridicule, mais Louis perçut l’inquiétude sous son pelage lustré. Le Maître d’échecs, pâle, fronça les sourcils comme devant une position paradoxale sur l’échiquier :

— La mémoire, proposa-t-il d’abord. Mais non, la mémoire s’effrite ici autant qu’elle se réveille.

— Le désir de retrouver ce qu’on a perdu, murmura le chat, tendu.

Mais aucune lumière, aucune réaction. Le Gardien, immobile, observait Louis intensément. Le garçon sentit ses jambes trembler malgré lui, mais il savait que fuir n’était plus une option.

Un souvenir, très vif, lui effleura l’esprit : la toute première fois où il avait mené une enquête — un simple mystère de bonbons disparus dans la cour de récréation — et cette sensation palpitante qui l’avait animé. Pas tant la victoire, mais la question elle-même, le plaisir impérieux de chercher, l’envie insatiable de comprendre. Il pensa à toutes ces fois où la réponse lui avait échappé, à la gêne, voire à la honte, qui l’avaient accompagné… Mais ce qui était resté : la curiosité. La certitude, au fond, que c’était cela qu’il risquait de perdre si le labyrinthe le coulait dans ses recoins.

Il prit une inspiration difficile, puis s’avança d’un pas :

— Rien ne relie tout, si ce n’est notre histoire à chacun ici. Le labyrinthe n’est qu’un miroir des quêtes inachevées de ceux qui y entrent, répéta-t-il, la voix ferme. Si on y perd quelque chose, c’est parce qu’on oublie ce qui fait qu’on cherche. Ce qui relie tout, c’est… la curiosité. Le désir de continuer à poser des questions, même quand on a peur d’oublier qui on est en chemin. Si j’ai une peur plus grande que toutes les autres, ce n’est pas de me tromper ou d’être perdu ici — c’est d’oublier pourquoi j’ai voulu comprendre en premier lieu : parce que j’étais curieux.

À ces mots, la pièce sembla hésiter : un soupir passa sur les rayonnages et, un bref instant, les livres frissonnèrent, leurs titres suspendus au bord du silence.

De sa patte, le chat tira précipitamment un petit volume qu’il gardait collé contre son flanc — depuis le tout premier relais entre les haies. Sur la couverture poussiéreuse, Louis distingua avec stupeur un dessin familier : un labyrinthe stylisé, et au centre, inscrit à l’encre vive : “À celui qui ose ne jamais cesser de chercher — Livre de la Curiosité Fidèle”.

Le chat, gêné, feignit un bâillement :

— Je l’ai trouvé très tôt, oui. Mais parfois, il faut qu’un secret mûrisse en dehors des rayons. Les chats sont doués pour la patience, tu sais… Mais bon, tu t’es montré digne de le réclamer.

Louis se pencha pour prendre le livre, le cœur battant. Au même moment, le Gardien laissa échapper un léger éclat d’étonnement :

— Ainsi… voici enfin venu celui qui nomme sa peur tout haut, sans en faire un mur. Bravo, détective.

À mesure qu’il parlait, sa silhouette revêtait une certaine douceur, et l’acier de son masque se fissura, révélant sous la patine de l’âge le visage sobre et bienveillant d’un homme de savoir — un vieux bibliothécaire aux yeux chaleureux et brillants :

— Vous m’avez délivré. Jadis, je veillais sur cette bibliothèque avant qu’elle soit dévorée par les négligences et l’oubli. J’ai trop longtemps cru qu’on ne pouvait sauver que les récits intacts, sans voir que les histoires survivent surtout par les questions que nous laissons ouvertes, les quêtes jamais terminées.

D’une main légère, il referma le volume manquant sur le lutrin. Aussitôt, tous les livres des rayons s’ouvrirent d’eux-mêmes, soufflant dans la salle une tempête douce de pages et de parfums mêlés. Des souvenirs, des rêves, des peurs et des promesses traversèrent la lumière, inondant les yeux de Louis de visions — des récits d’enfants égarés, de rois déchus, de curieux têtus, de chats qui savaient tout… et même de détectives en herbe, prêts à sacrifier l’oubli pour la soif du mystère.

Le bibliothécaire-bibliothécaire (désormais délivré de son rôle de Gardien) posa la main sur l’épaule de chacun :

— Gardez ce livre. Il n’est complet que si vous continuez d’y inscrire vos questions. Tant qu’il existera des lecteurs curieux, aucune histoire n’est jamais vraiment perdue dans ce labyrinthe, ni ailleurs.

Dans un dernier sourire, il s’évanouit lentement, emporté par la lumière. Les rayons s’élargirent, une allée dorée s’ouvrit, menant non pas vers une sortie banale, mais vers l’orée d’infinis contes à venir.

Louis ferma le livre contre son cœur. Son reflet traversa la salle : ni tout à fait détective, ni tout à fait héros, mais profondément curieux. Le chat, enfin rassuré, trottina à ses côtés, la queue en point d’interrogation triomphale. Le Maître d’échecs, rajeuni, partait déjà en quête de parties à inventer dans ces rayons retrouvés.

Ils avancèrent, humblement fiers d’avoir tenté, échoué parfois, et surtout cherché — car telle était la vraie victoire dans ce labyrinthe : ne jamais cesser de vouloir savoir ce que cache la prochaine page.



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