Histoires pour enfants

Lyna et la Salle des Runes : À la Recherche des Échos Magiques

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Lorsque l’apprentie archéologue Lyna découvre que la mélodie ancestrale qui protège son académie a été brisée, elle se lance dans une quête périlleuse au cœur de la Salle d’étude des runes. Accompagnée d’un diplomate alien pacifique et d’un énigmatique résolveur d’énigmes, elle devra affronter illusions et dangers — et l’ombre d’un ogre déterminé à garder les secrets enfouis. Pour sauver la chanson magique, Lyna devra oser l’aventure, dépasser ses doutes, et déployer toute la force de son imagination.
Lyna et la Salle des Runes : À la Recherche des Échos Magiques

Chapitre 4 : Les Runes Égarées et l’Ogre Dévoilé

Chapitre 4 : Le Courant des Parchemins et l’Écho de l’Imagination

La Salle d’étude des runes avait toujours eu la réputation de changer d’humeur selon les saisons et les visiteurs, mais ce soir-là, alors que Lyna, Sori et Bram traversaient le seuil de la Galerie des Artefacts, une transformation singulièrement folle s’amorça.

La lumière, auparavant tamisée et feutrée, devint chatoyante, projetant à chaque respiration du trio de longues ombres mouvantes. D’abord timide, le murmure des murs s’intensifia jusqu’à devenir une polyphonie moirée : les étagères tordues remuèrent, les runes se mirent à tourbillonner décousues, comme animées d’un désir enfantin de fuir la page. C’est alors que le sol vibra d’un léger gargouillis, et qu’un cours d’eau surnaturel surgit du néant, serpentant entre les meubles et les piles d’ouvrages comme un ruisseau impatient d’explorer la Salle à son tour.

La rivière, diaphane et luisante comme un ruban de lune, charrait non pas de l’eau mais d’innombrables parchemins roulés, étrangement indéchiffrables. Ils flottaient, tournoyaient, parfois sautaient d’un bord à l’autre du courant, emportant dans leur sillage l’écho d’une chanson ancienne — ou bien était-ce la rumeur fantomatique de connaissances oubliées ?

Sori, qui semblait d’ordinaire naviguer aisément dans le chaos, s’arrêta, une main sur sa poitrine argentine, comme pour sentir si son cœur battait au même rythme que les runes.

— Je n’ai jamais vu pareille configuration, souffla-t-il, les yeux écarquillés. C’est comme si la Salle voulait elle-même nous prouver qu’elle n’a pas livré tous ses secrets.

Bram, qui jusque-là avait tenu bon, fut soudain déconcerté par la démesure de l’espace remodelé. Il avança d’un pas, puis d’un autre, mais le sol se déroba sous lui : un escalier ruisselant venait d’apparaître… pour disparaître à l’instant même où il posa le pied.

— Pourquoi ?… Pour-quoi ? gémit-il, les poings serrés autour de son carnet. Je… Je crois que c’est moi… C’est à cause de mes réponses impulsives, de mes envies de passer en force… Si on finit engloutis sous une montagne de parchemins ou transformés en bibelots, ce sera MA faute.

Lyna, attentive, sentit son cœur se serrer pour son ami. Depuis leur passage dans la Galerie, Bram avait gagné en tendresse et en humilité, mais la peur de blesser l’aventure ou d’être le maillon faible le rongeait visiblement.

— Ce n’est pas toi, Bram, dit-elle doucement. C’est cette Salle elle-même qui teste notre façon de réfléchir. Elle mélange logiques anciennes et nouvelles folies… Peut-être, cette fois, faut-il s’autoriser à ne pas tout comprendre d’un coup. A improviser…

Le trio longea la rive du cours d’eau, dont la surface miroitait de runes échappées et de reflets trompeurs. Parfois, un parchemin jaillissait du flot pour s’enrouler autour d’une colonne, y imprimant un mot fragmentaire, une portion de mélodie, un éclat de souvenir. Sori, intrigué, étira ses doigts longilignes pour effleurer un des rouleaux flottants. Aussitôt, un rythme discret pulsa sous sa peau, et il sourit.

— Regardez, murmurait-il, chaque parchemin semble porter à la fois une image et une note. Comme des morceaux d’une chanson écrite en alphabet mouvant… Si nous savons lire le motif…

Bram, dont la curiosité l’emportait toujours sur la peur, s’accroupit pour mieux observer un exemplaire dodu. Sur son vélin translucide, un dessin de clé musicale se lovait aux côtés d’une phrase incantatoire :

« Quand la rivière change de sens, qui sème la mémoire sur les flots du silence ? »

Sori, concentré, associa le rythme du courant aux sonorités de sa propre langue natale, puis entama à voix basse une mélopée étrange. Peu à peu, la rivière ralentit, les parchemins se mirent à onduler à l’unisson, révélant sur chacun d’eux non plus des énigmes distinctes, mais bien des fragments robustes d’une seule et même chanson.

Lyna, hypnotisée, comprit alors. Si chaque épreuve jusqu’ici avait séparé logique et émotion, silence et bravoure, la Salle voulait désormais autre chose : un défi qui réclamerait la fusion totale de leurs facultés. Elle s’accroupit, attrapa au vol quelques runes détachées du sol, et se mit à tracer sur une dalle lisse un étrange mandala, combinant formes mathématiques, symboles sonores et idées folles :

— Et si on inventait NOTRE propre énigme ? Une seule question, mais que chaque parchemin, chaque fragment, viendrait compléter ?

Bram, d’abord hésitant, sentit poindre sous la peur un brin de plaisir. Il griffonna à son tour, ajoutant de minuscules schémas d’engrenages et de spirales, puis des rébus qui ne tenaient debout que par l’absurdité même de leur enchaînement.

Sori, séduit par l’audace, métamorphosa le tout en un motif chanté, superposant voix parlée et souffle alien, tissant ainsi dans l’air des liens invisibles entre chaque marque déposée.

La rivière, comme attentive à leur fièvre créative, s’apaisa soudain. Le mur sur lequel ils travaillaient se mit à vibrer ; les runes désordonnées se précipitèrent dans le mandala, s’emboîtant telles les pièces d’un casse-tête vivant. Une lumière dorée emplit l’espace, aveuglante mais douce, enveloppante.

Au cœur de ce cercle, un nouvel objet apparut : un prisme bigarré, oscillant au-dessus du flux, entouré de trainées lumineuses. Lyna, bras tendu, l’attrapa au vol.

Un son cristallin — cette fois véritablement mélodieux — s’éleva, vibrant de promesses d’avenir.

— Le troisième Écho… murmura Lyna, la voix chargée d’une émotion neuve. L’Écho de l’Imagination…

Mais, au même instant, des remous agités perturbèrent le cours d’eau. Au centre du courant, sur une flèche de marbre sculptée, se dressait l’ogre, silhouette étonnamment digne, immobile comme s’il montait la garde sur les débris du passé. Au lieu de brandir sa massue, il la posa devant lui, appuyé dessus, le regard embué d’un éclat absent chez les antagonistes classiques.

— Vous avancez vite, lança l’ogre, mais il n’y aura pas de quatrième Écho pour ceux qui brisent l’ordre ancien…

Sa voix avait perdu son grondement habituel, cédant la place à une lassitude farouche, presque triste.

— Jadis, quand la Salle était jeune, les étudiants croyaient que j’étais un monstre. Qu’en m’affrontant, ils prouvaient leur valeur. Mais la vérité, c’est que j’étais là pour protéger l’imaginaire, pour composer des énigmes qui font rire, trembler, ou rêver. Le monde a changé. Plus personne ne vient vraiment dialoguer avec la Salle. Parfois, je me dis que ma mission est déjà morte…

Un silence respectueux accueillit ses mots. Lentement, Lyna s’approcha, le prisme de l’Imagination dans sa main.

— Ogre… Tu n’es pas celui qui garde la porte contre nous, mais avec nous. L’imagination a besoin de gardiens, mais aussi de partenaires. C’est toi qui as inventé la plupart des énigmes, non ?

L’ogre hocha lentement la tête, un sourire fébrile ourlant ses lèvres rugueuses.

— Certains disent que l’imaginaire doit être enfermé, sinon il devient dangereux. Mais ce n’est pas mon avis. Je ne voulais que transmettre…

Sori, de son pas élégant, posa une main sur l’épaule massive de l’ogre.

— Ce soir, les mondes ont besoin de ponts, pas de frontières. Viens, aide-nous à retrouver le dernier Écho. Ce sera celui du Partage. L’imagination isolée, ce n’est qu’un rêve. Transmise, elle devient légende.

Bram, ragaillardi, tendit la main à l’ogre par-dessus la rivière capricieuse.

— On lance la prochaine énigme tous ensemble ? Même en inventant la question la plus farfelue des trois univers ?

L’ogre releva la tête, des larmes modestes brillant dans le chatoiement des runes. Pour la première fois, il parut moins massif, moins inquiétant, comme s’il se souvenait de la douceur du rôle de passeur.

— Accepteriez-vous, murmura-t-il, que le dernier fragment soit non pas conquis, mais offert ? Puisée dans la mémoire de chacun…

Lyna, avec la fermeté d’une archéologue qui n’est plus ni timide ni effacée, répondit sans hésiter :

— Oui, Ogre. Le savoir n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il circule. Aujourd’hui, c’est toi qui nous guideras jusqu’au dernier Écho. Peut-être même… que c’est ça être archéologue : honorer la transmission autant que la découverte.

Dans la Salle métamorphosée, les murs, les eaux et même le souffle du temps semblèrent approuver. Une harmonie fusa, tressée du silence, du courage et de l’imagination conjugués. Tous avancèrent, unis, vers l’aile la plus secrète, là où sommeillait le dernier Écho — la promesse d’un Partage retrouvé, qui saurait traverser les frontières du visible et du souvenir, et faire chanter la Salle pour des générations encore à naître.



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