Chapitre 2 : Le Gardien des Reliques et l’Enigme des Galeries
Chapitre 2 : Les Trois Énigmes du Gardien
Ils avançaient prudemment, la lampe grinçante d’Hugo dessinant des auréoles lumineuses sur la pierre mouillée. Plus ils progressaient, plus les sons du dehors disparaissaient, remplacés par les petits bruits mystérieux d’une mine oubliée : l’écho de pas feutrés, le craquement d’une planche usée, le chuchotis de l’eau loin en-dessous. L’air se chargeait de fraîcheur et de promesses, et chaque détour du tunnel paraissait les emmener plus près d’un entrelacs magique entre rêve et réalité.
Scratch menait la marche, moustaches tendues et sens en éveil. L’Auteur suivait, l’œil acéré, prenant des notes sur un carnet minuscule fourré dans son étrange mallette. Hugo, large d’épaules pour son âge mais un peu tremblant du bout des doigts, ne lâchait pas sa loupe, bien décidé à tout observer.
Au bout d’un couloir effondré, ils tombèrent sur un mur impressionnant gravé de fresques. Des silhouettes d’or et d’ombres y décrivaient visiblement une histoire : un peuple de mineurs, une rivière souterraine, puis une immense créature aux yeux brillants protégeant un coffre. De drôles de signes serpentaient tout autour, s’accrochaient à la pierre comme autant de petits indices destinés aux curieux. Hugo effleura du doigt un relief où des spirales entouraient la créature. L’auteur murmura :
— La légende du Gardien des reliques… Chaque mine ancienne a son protecteur, paraît-il. Son secret n’est confié qu’à ceux qui savent regarder au-delà des apparences, et font la part entre les ombres et la lumière.
Tout à coup, un souffle froid parcourut la galerie, éteignant presque la lampe d’Hugo. La brume s’épaissit, et une présence immobile imposa silence. Une voix rocailleuse, profonde comme le sol lui-même, résonna :
— N’avancez que si vous êtes dignes de démêler le vrai du faux…
Une forme s’anima dans le faisceau vacillant : le Gardien des reliques s’extirpait peu à peu de la paroi, vaste silhouette sans âge, tapissé d’ombres mouvantes. Ses yeux phosphorescents, bleu-vert comme deux feux follets, encerclaient maintenant le trio. Son visage semblait parfois changer, reflétant quelque chose de leurs propres peurs secrètes.
Hugo crut reconnaître, dans un instant fugace, le masque sévère de la maîtresse du CE2 ou le regard félin d’un chat de gouttière hostile, puis la forme prit un aspect plus neutre, drapé d’une cape minérale.
— Je suis le Gardien, grogna-t-il enfin, et vous ne franchirez mon seuil qu’en triomphant de trois énigmes. Chaque réponse révèlera la porte, chaque erreur… refermera la mine sur vos espoirs.
Scratch feula de contrariété, puis s’assit, queue autour des pattes, prêt à se battre ou à réfléchir, selon ce qui serait demandé.
Le Gardien leva un bras lourd, pointa vers un endroit obscur. Une sorte de carillon lointain résonna, étrange musique faite de gouttes et d’échos, mais dont on aurait mal su dire la source.
Première Énigme :
— Si tu me cherches du regard, tu ne verras qu’une mare. J’accompagne toute pierre, mais ne laisse nul m’attraper… Je creuse, j’efface, je façonne, mais je reste discret. Qui suis-je ?
Hugo écarquilla les yeux. Il lança un regard incertain à l’Auteur, puis à Scratch, dont l’oreille se dressa brusquement. Le chat s’aplatit sur le sol, avança en silence jusqu’à un pan de mur où suintait une tache sombre. Il colla la truffe contre la roche, ferma les yeux, puis émit une sorte de ronron tremblant, suivi d’un petit miaulement sec.
L’Auteur sourit, impressionné :
— Voilà un assistant qui écoute mieux que la plupart des adultes, souffla-t-il tout bas.
Hugo comprit soudain la subtilité : derrière la pierre, quelque chose glissait. Il colla l’oreille, entendit le filet d’eau souterrain, ténu mais régulier.
— L’eau ! s’exclama-t-il, le cœur battant. La rivière qui court sous la pierre, même invisible, change la mine chaque jour.
Le Gardien acquiesça. Le sol trembla, la pierre à sa gauche pivota lentement, révélant une galerie latérale. Une lumière pâle s’y infiltra. Hugo souffla, soulagé. Première porte : franchie.
Deuxième Énigme :
Le Gardien tendit la main vers la fresque, devenue mouvante comme un écran animé par magie. Le dessin d’un ciel occupé à la fois par le soleil et la lune s’y animait, illustrations entremêlées de silhouettes filiformes dansant entre l’ombre et la clarté.
— Ce qui éclaire la nuit n’est pas toujours la lune, ce qui guide le jour n’est pas seulement le soleil. À toi de trouver, dans ce ballet d’astres, l’indice unique qui ouvre la voie cachée.
L’Auteur s’avança, examinant la fresque d’un œil exercé. Il tapa du doigt sur une corolle dessinée autour de la lune.
— Je te laisse la main, jeune observateur ! ricana-t-il gentiment.
Hugo sortit sa fameuse loupe. Il inspecta chaque détail, analysa le contour d’un nuage, le filigrane d’une étoile, même la nuance entre l’encre noire et le dessin gravé. Un oiseau minuscule passait d’un astre à l’autre, et soudain, il remarqua sous ses pattes un symbole en forme de clef, presque invisible à l’œil nu. Il l’effleura du bout du doigt.
Une fissure jaillit, révélant la forme d’une petite porte ronde derrière la scène du soleil et de la lune. Scratch, ravi, bondit pour vérifier, puis revint d’un air satisfait, comme s’il venait lui-même de trouver un trésor.
— Bien joué, Hugo, susurra l’Auteur. L’œil voit, mais seul le cœur observe.
Le Gardien inclina la tête, et la nouvelle issue s’ouvrit dans un souffle minéral.
Troisième Énigme :
D’un geste plus solennel, le Gardien désigna l’intérieur du tunnel, où la brume semblait s’intensifier. Les contours se brouillèrent ; des ombres vaporeuses se mirent à glisser partout sur les murs, se changeant en mains griffues, en visages moqueurs. Toutes les peurs qu’avait Hugo depuis les maternelles dansaient là : la peur de l’échec, du noir, d’être jugé.
— Pour la dernière porte, tu devras affronter ce que tu crains le plus… Ce n’est pas un piège mais une illusion. Avance, si tu peux, sans douter de toi.
Une sueur froide mouilla la nuque d’Hugo. Et si c’était trop difficile ? Et s’il se trompait, et piégeait tout le monde à cause de sa peur de… se tromper ?
Il serra la mâchoire. Scratch se frotta contre sa jambe, émit un ronron puissant. L’Auteur posa une main légère sur son épaule.
— C’est dans l’incertitude que naissent les grandes aventures, murmura-t-il doucement. Fais confiance à ton cœur.
Respirant profondément, Hugo fit un premier pas, puis un autre, à travers le fouillis d’ombres. Chaque fois qu’une main d’ombre l’attrapait, il pensait à Scratch, à la douceur des histoires, au plaisir de chercher même quand on doute. Les illusions se brouillaient, les ombres perdaient leur noirceur. Soudain, le couloir s’illumina, éclipsant les peurs qui s’effritèrent, balayées comme un mauvais rêve au matin.
Le silence revint, puis un souffle léger. Le Gardien reparut, cette fois plus petit, visage apaisé, presque doux.
— Tu as su traverser tes propres ombres. Voilà la porte, et la vraie récompense.
Au bout de la galerie, une alcôve secrète les attendait : un coffre ciselé, couvert de symboles anciens. Hugo l’ouvrit, le cœur battant, s’attendant presque à trouver des pierres précieuses ou de l’or.
Surprise ! À l’intérieur, reposaient des feuillets reliés, des carnets épais, des centaines de petites histoires, recopiées à la main. Des récits perdus : souvenirs de mineurs, légendes de fantômes rieurs, énigmes farfelues nées dans l’obscurité.
L’Auteur lut à voix haute l’inscription au-dessus du coffre :
— « Celui qui sait raconter la lumière sous la pierre possède le trésor qui ne s’épuise jamais. »
Hugo sentit alors que le vrai trésor, ce n’était pas les richesses, mais toutes ces histoires à raconter, à inventer, à partager… et la certitude qu’il pouvait, à force de curiosité et de courage, toujours démêler la lumière de l’ombre, en lui et chez les autres. Scratch ronronna, ravi de cette étrange récompense. L’Auteur, plein d’admiration, déclara :
— Tu viens d’écrire le début d’une grande aventure, jeune détective. Que la prochaine énigme soit plus belle encore !
Le trio remonta peu à peu vers la sortie. Derrière eux, la mine reprit son silence. Dans la poche d’Hugo, un carnet de légendes les accompagnerait désormais, partout où le mystère appellerait l’audace…